NI GUERRE EN IRAK, NI PAIX AVEC CHIRAC !


"La guerre est engagée par chaque groupe dirigeant contre ses propres sujets, et l'objet de la guerre n'est pas de faire ou d'empêcher des conquêtes de territoires, mais de maintenir intacte la structure de la société." 1984, George Orwell

LES CAUSES DE LA GUERRE… ET DE LA PAIX.
Après moult palabres, effets de scène et défis préliminaires, la spectaculaire guerre tant attendue a "enfin" été déclarée et a pris une ampleur médiatique qui nous rappelle le bon vieux temps de la première guerre du Golfe. Pourtant, la grosse ficelle de Saddam Hussein était bien usée et presque périmée. Le prévisible spectacle de son élimination et ses préliminaires sont loin d'atteindre l'efficacité de précédents célèbres (Milosevic ou Ben Laden); d'ailleurs, cette fois-ci, ce qu’on appelle "l’opinion publique", ici et ailleurs, n’est pas convaincue de la nécessité de cette guerre. Plusieurs millions de personnes à travers le monde se mobilisent pour dire "NON" à la guerre en Irak. Mais quand donc y aura-t-il plusieurs millions de personnes dans les rues pour dire "NON" au système politique qui justifie cette guerre comme la plupart des guerres qui éclatent chaque année sur cette planète ? Les médias français, qui semblent avoir récemment découvert les enjeux économiques et géostratégiques du Moyen Orient, démasquent sans peine, sous les rudimentaires prétextes juridiques et moraux, les objectifs des USA et de son complexe militaro-industriel-pétrolier. Mais cette pertinence a des limites, celles de la raison d'État, dont les journalistes sont les servant-e-s ; la position de la France (de l'Allemagne et de la Russie) est ainsi présentée comme celle du droit, de la raison et de la paix (Chirac en Côte-d’Ivoire, Poutine en Tchétchénie, ça c’est du pacifisme!). On évoque peu les antagonismes économiques entre États capitalistes qui expliquent le parti pris "pour" ou "contre" la guerre en Irak : les entreprises françaises (Total-Fina-Elf) et russes auraient été, en cas de paix et de levée des sanctions contre l'Irak, aux premières places pour emporter de juteux marchés (exploitation du pétrole, reconstruction du pays, …). L'intervention américaine a bel et bien pour but de les offrir prioritairement aux compagnies anglo-saxonnes… Ni le sort de la population irakienne, ni celui de leur dictateur, ni les inoffensives manifestations pacifistes ne détermineront leurs choix (pendant ce temps, plus déterminé-e-s, dockers et militant-e-s bloquent les transports d’armes ou sabotent des avions et bases militaires en Italie et en Grande-Bretagne, etc.). Quoi qu’il en soit, les bombardements de l’armée américaine sur le territoire irakien n’avaient pas vraiment cessé depuis le début des années 1990 (sans parler de l’embargo imposé à la population irakienne, allégé tout juste par un programme "pétrole contre nourriture").

PACIFISME A GÉOMETRIE VARIABLE.
Les militant-e-s pacifistes et les organisations qui les encadrent (rejoint-e-s par les débris de la "gauche plurielle" qui ont géré au mieux les conflits précédents – Golfe, Kosovo, Afghanistan – et apprécient beaucoup moins les bombes et le sang une fois dans l'opposition) arpentent à nouveau le pavé contre les busheries les plus spectaculaires. Si durant la guerre du Kosovo nombre de pacifistes et même d'antimilitaristes encouragèrent les bombardements de l'OTAN, lors de l'intervention américaine contre l'Afghanistan les mêmes demandèrent que les massacres s'effectuent sous l'égide de l'ONU ("garant du droit international"). Les revoilà qui étalent aujourd'hui leurs incohérences en refusant la guerre contre l'Irak "qu'elle se fasse sous mandat de l'ONU ou non", maltraitant ainsi leur droit international chéri (qui ne leur convient plus); ils-elles espèrent néanmoins son bon fonctionnement quand ils-elles demandent à la France d'utiliser son droit de veto… On remarque au passage que, pour certain-e-s, si des guerres sont horribles, d'autres peuvent être "justes", légitimes, légales, nécessaires ou "huma-nitaires" (seules les mauvaises guerres faisant des victimes innocentes-civiles). La fonction idéologique spécifique de cette mouvance pacifiste est de nous présenter la guerre comme un dysfonctionnement, comme un déséquilibre à l'intérieur de la formation économique et sociale en place, déséquilibre qu'il s'agit de corriger pour revenir au point d'équilibre: la démocratie, l'amitié-entre-les-peuples, le respect-de-la-personne-humaine-et-de-ses-droits. Sursaut de nos politicien-ne-s, négociations, instauration de la taxe Tobin, d'une taxe sur les armements, d'un contrôle citoyen des institutions internationales, etc. : autant d’éléments qui sont censés permettre de corriger ce dérapage guerrier. Il s'agit donc de cacher/oublier que la guerre fait au contraire intégralement partie du développement capitaliste, qu'elle en est une composante, un moment nécessaire à son bon fonctionnement. Comble de la farce, aujourd’hui Chirac est plus populaire que jamais du fait de son prétendu pacifisme (après être apparu comme résistant antifasciste lors des dernières élections présidentielles…). Une position de circonstances bien pratique pour faire oublier la guerre sociale déclarée en France contre les minorités et une idéologie sécuritaire toujours grandissante qui sont dans la continuité de la politique menée par la gauche quand elle était au pouvoir. Nous ne pourrons nous débarrasser définitivement de toute guerre qu'en mettant fin à l'oppression sociale, économique et politique dont le capitalisme et l'Etat sont probablement la plus haute synthèse.

CONTRE LA GUERRE EN IRAK, AUTOGESTION ET RÉSISTANCE !
Manifester et mobiliser pour dire "non à la guerre" et demander au Parlement et aux autorités françaises de dire "non", c'est avant tout reconnaître la légitimité de ces institutions, de leur fonctionnement, du droit international comme norme politique devant régir le monde. C'est croire que la "démocratie" peut empêcher la guerre (toutes les guerres et massacres coloniaux menés par la France au XXème siècle ne l'ont été que par des gouvernements démocratiques, de gauche ou de droite, dans le respect des institutions, que les "opinions publiques" aient été pour ou contre). Plus que jamais, c'est à l'intérieur de ses propres rouages que le capital pourra être mis à mal, en remettant en cause sa capacité de production et la domination qu’il exerce, en refusant concrètement l’ordre capitaliste et les hiérarchies sociales, en mettant en pratique dès aujourd’hui la grève générale et l’abolition du salariat, en imposant la généralisation de l’autogestion à tous les domaines de la société et de la vie. C'est en refusant de marcher au pas pour la "démocratie" et pour le système actuel que le bouleversement et le renversement des rapports sociaux peuvent s'entrevoir.

LE CAPITALISME C'EST LA GUERRE. LE PATRIARCAT AUSSI.
Si le capitalisme a besoin de la guerre pour s’entretenir, toutes les guerres s’enracinent dans la culture patriarcale et renforcent la domination masculine. Quoi de plus viril qu’un soldat ? Quoi de plus masculin que la conquête, la colonisation et la concurrence ? La construction masculine est une quête vers le pouvoir. Dire "NON" au capitalisme sans dire "NON" au patriarcat, nous semble aussi absurde que dire "NON" à la guerre sans dire "NON" au capitalisme. Nous pensons que s’il est nécessaire de construire des rapports sociaux plus égalitaires sans attendre un hypothétique "Grand Soir", nous pensons aussi que pour redéfinir complètement ces nouveaux rapports sociaux, il nous faudra bien abattre l’État, la capitalisme et le patriarcat, autrement dit les systèmes et les structures qui dirigent nos vies…

CRÉONS, JOUONS, RÉSISTONS !

N’oublions pas que l’obéissance est un vilain défaut et que les oppressions étatique et capitaliste sont aussi dans nos rues : banques, compagnies pétrolières, bâtiments militaires, caméras de vidéosurveillance, panneaux de lobotomie publicitaire, etc. L’action directe peut faire déraper les logiques du pouvoir !